Blog culinaire – Le verre & l’assiette

Le Prieuré Saint-Géry, l’éloge du temps

Je me suis rendu il y a maintenant quelques temps au Prieuré Saint-Géry, à la rencontre de Vincent Gardinal. Ce cuisinier hors-pair et hors norme réussit le tour de force qu’est de garder au fil du temps une maison d’un tel raffinement dans le petit hameau de Solre-Saint-Géry.

Maison de Tradition

Le Prieuré-Saint-Géry s’inscrit sans conteste dans la catégorie des grandes maisons de Gastronomie en Wallonie. Étoilé depuis les années ’90, ce restaurant nous prouve continuellement sa capacité de porter haut la Cuisine classique tout en veillant à rester créatif à souhait.

Vincent Gardinal a un amour des sauces, que l’on retrouve dans plusieurs des plats des menus dégustés. Des sauces qui ne consistent pas uniquement -loin de là- en des jus réduits et autres concentrés de saveurs, mais qui font la part belle aux sauces montées également. Je garde en mémoire un sabayon retravaillée avec beaucoup de finesse.

Il y a également dans le choix des produits un attrait non feint pour la classique Cuisine française. Une connaissance de la qualité des produits, une volonté de rechercher des poissons d’exception, des crustacés les plus fins, des viandes les mieux formées.

Mais aussi de Région

Le Chef est un homme de dualité, de contradictions presque. Pourtant à la recherche d’un harmonie qui peut-être est sa chimère, mais de celles qui touchent à l’utopie plus qu’aux mirages. A coté des produits à la grande noblesse, à la chère rareté, il me parle avec une grande sincérité du profond respect pour quelques producteurs qu’il côtoie, dont tout particulièrement la Chèvrerie de la Machine. On ressent le devoir de se montrer à la hauteur de ce producteur. lui qui a les yeux qui pétillent quand il évoque la dévotion de cet homme vis à vis de ses chèvres.

Un Cuisinier d’émotion

Derrière des choix de Cuisine traditionnels, il y a chez Vincent une sensibilité toute autre. Loin de la recherche du classicisme biblique que l’on peut retrouver par exemple chez Eric Fernez, la part d’émotion et de création est essentielle dans son équilibre.

Il est impensable de ne pas cuisiner pour Vincent. Une force irrépressible l’oblige à créer, à cuisiner encore et encore, jusqu’à trouver l’apaisement de l’équilibre, de l’assiette juste. Une sorte de dépendance à la création, de la peur du vide, une démonstration de sa dualité encore (les menus, eux, ne changeant pas très régulièrement).

La magie de la cuisine du lieu, c’est que le coté tourmenté du Chef ne se comprend qu’en parlant avec lui, tant les assiettes sont toutes des clés de ses recherches, les apaisements de sa créativité. Il me fait penser aux peintres classiques que l’on pense consensuels lorsque l’on n’a pas les clés de leur subversion. La créativité de Vincent Gardinal est exactement celle-ci, et j’affirme sa créativité, son non-clacissisme derrière les abords polissés.

Quelques plats marquants

Je tiens à rappeler que ma visite date d’octobre. Néanmoins, quelques plats restent assez clairs dans ma mémoire. Derrière un menu de haut vol, qui voit une continuité stylistique évidente entre les plats, des justesses et des associations sont touchantes.

Le maquereau presque cru donne un contrepoint puissant à l’émulsion, donne la largeur à la finesse, l’allonge aux arômes de tête. Cette “simple” mise en bouche a toute la complexité d’un plat, et sonne comme l’équilibre naturel, là où la tempura de moule Bouchot était belle de finesse, et où la mise autour du jambon de Bayonne rendait plus de puissance.

S’en suivent 2 plats qui jouent toujours sur les équilibres avant tout, avec une Saint-Jacques qui joue sur le jeu fraîcheur puissance grâce aux girolles et truffes, puis une lotte avec un sabayon huile d’olive piments doux qui lui est juste magique.

Le plat de viande, un chevreuil en aigre-doux très finement préparé, est presqu’une ode à la délicatesse de l’artiste. Un plat peut-être un peu plus tableau que d’autres mais où encore une fois l’équilibre d’ensemble est présent. Une création qui ne heurte pas, qui nécessite un peu de recul pour en absorber les subtilités et sensations.

Prendre le temps, et le donner

Se rendre au Prieuré tient presque du pélerinage. Le village de Solre-Saint-Géry étant “loin de tout” comme on dit. Cela implique des soirées différentes. Nous sommes loin des tumultes urbains dans ce beau bâtiment rural. L’invitation à prendre le temps est manifeste. Le service est posé, souriant mais discret. Là où des restaurants jouent de plus en plus la mise en scène, avec pas mal de succès parfois, ici la simplicité douce et compétente est plutôt recherchée, avec des collaborateurs jeunes mais efficaces.

orsque l’on passe la nuit dans les confortables chambres au délicieux charme désuet, le petit-déjeuner sonne comme un clap de fin en gourmandise, où certains produits donnent le goût du plaisir, comme tout bêtement les yaourts régionaux succulents. Juste pour prolonger le temps.

Au fond, le temps est peut-être la notion qui résume tout ce projet, tout ce restaurant. Une histoire de temps qui dure pour briller, de temps à prendre à prendre pour apprécier, de temps à se donner pour vivre.

Je ne peux que souhaiter à Vincent Gardinal d’encore perdurer, et de recevoir le temps et l’attention qu’il mérite.

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Crédits photos : Le verre & l’assiette et Le Prieuré Saint-Géry.